Découvrez Olivier Ramel, CEO & Co-fondateur de Kymono, et son approche unique de l’entrepreneuriat. Il partage sa vision, ses défis, et son organisation rigoureuse, tout en revenant sur l’aventure Kymono, symbole de créativité et de culture design.
Kevin Bourgeois, CEO et co-fondateur de Supermood, nous a partagé son parcours et sa vision. Dès son plus jeune âge, il a développé une passion pour l'informatique et le hacking, inspirée par son grand-père geek. Après des études brillantes en mathématiques et ingénierie, et des expériences internationales à Télécom Bretagne, l'université de Hong Kong et Télécom Paris, Kevin a co-fondé Supermood avec un ami de sa promotion. Supermood, une entreprise innovante dédiée à la transformation du dialogue en entreprise, vise à donner une voix aux salariés et à améliorer leur engagement grâce à des outils de feedback réguliers et ludiques. Dans cet entretien, Kevin revient sur la genèse de Supermood, les défis rencontrés, et sa vision pour une meilleure santé mentale en entreprise. Il partage également des réflexions sur le secteur des RH, des conseils pour réussir dans ce domaine et des anecdotes personnelles sur son parcours entrepreneurial.
Quelles sont les grandes étapes de votre parcours ?
J’ai commencé à coder à 8 ans quand mon grand-père geek m’a offert mon 1er ordinateur. J’ai découvert les merveilles du hacking à 10 ans, fais maths sup/spé, puis suivi une formation d’ingénieur à Télécom Bretagne, l’université d’Hong-Kong et Télécom Paris. J’ai créé avec un ami de promo Supermood pendant que nous étions en année de césure.
Comment est née l’idée de Supermood ?
Nous avions monté une entreprise de questionnaires en ligne (www.sentimy.com) pour faire « les surveys les plus cool d’internet ». Après plusieurs mois, on s’est dit que nous manquions d’impact concret sur la vie des gens et qu’être « les rois du questionnaire », ce n’était pas si marrant que ça. On a croisé ça avec nos expériences de stages, où l’on s’est sentis accompagnés mais pas compris, et nous avons donc eu l’idée d’adapter nos questionnaires aux salariés des entreprises. Le but : que chacun se comprenne mieux soi-même, et soit mieux compris, pour que tout le monde travaille avec passion
Qu’est-ce que Supermood transforme ?
Supermood donne une voix aux salariés, et permet à la direction, RHs et Managers de comprendre ce qui fait l’engagement de leurs collaborateurs. On transforme le dialogue en entreprise, en le rendant plus objectif, plus régulier et plus ludique. Grâce à ça, les organisations sont plus performantes et … engageantes !
Pourquoi avoir choisi ce secteur ?
J’ai une formation de data-scientist, et à l’époque (en 2015) les data salariés étaient très peu exploitées. C’est d’ailleurs toujours le cas. Or ces data ont un impact social immense ! Pour un jeu diplômé, se dire qu’il peut « comprendre objectivement tout ce qui se passe dans les entreprises », c’est passionnant. J’ai donc découvert le secteur RH et du management par pur hasard. Mais c’est un plaisir d’évoluer dans une industrie qui a énormément de sens.
Qu’apportez-vous à votre secteur ?
De l’objectivité et de la visibilité. Piloter une entreprises sans Supermood, c’est comme essayer de piloter ses ventes e-commerce sans Google Analytics : possible, mais complètement aléatoire. Supermood rend les entreprises plus transparentes, plus à l’écoute et finalement plus efficaces car cohérentes.
Quelles sont les grandes tendances de la santé mentale en entreprise selon vous ?
Après plusieurs années covid, des changements très rapides dans le marché, et des valeurs qui évoluent très vites selon les générations : tout le monde est en burn-out. Ce n’est pas qu’une re-définition du terme qui le banalise, c’est un vrai constat. Aujourd’hui plus d’un manager sur deux est en épuisement. Donc la grande tendance est simple : la santé mentale se dégrade, partout, pour tous les âges et pour tous les postes. Une des tendances de réponse à ce phénomène est le « bien-être ». Parler de sa santé mentale, être vulnérable, etc. Mais je pense que le sujet est plus structurel qu’individuel : la mauvaise santé mentale vient d’un manque d’objectivité et de visibilité dans les entreprises, qui créé des incompréhension, une énergie dispersée sur les mauvais sujets et beaucoup de frustration à tous les niveaux.
Quel mindset/vision adopter quand on veut mettre en place ce genre de projet ?
Il faut se détacher des méthodes traditionnelles, comme « la grande enquête annuelle de satisfaction salarié » qui pose 120 questions, où « promis ça vous prend 5 minutes » et où il ne se passe strictement rien derrière. C’est une méthodologie qui vient d’un héritage où interroger voulait dire « faire passer des enquêtes papiers et mettre des mois à les traiter ». Elles ont été récupérés par des consultants qui traduisent des Excel en PowerPoint en y ajoutant des suggestions génériques.
Aujourd’hui les salariés veulent du dialogue : celui où on leur répond, celui où on donne son opinion rapidement, sur des choses qui nous concerne. Où l’on voit que ça avance et surtout où l’on est part de la solution. Il faut donc y aller de façon itérative, avec un outil flexible qui s’adapte à l’entreprise, et non l’inverse.
Quels sont les grands challenges rencontrés par Supermood aujourd’hui ?
Nous arrivons à la rentabilité : c’est un challenge de moins. Côté marché, nous avons fait face à beaucoup de concurrence peu sérieuse, qui cassait soit les prix soit vendait une qualité médiocre. Aujourd’hui nous nous battons surtout contre le statu quo : des projets qui n’aboutissent pas car un maillon de la chaine n’est pas convaincu. C’est dommage, car souvent les DRH ou la Direction sont à l’initiatives du projet et donc tout est réuni pour une adoption réussie. Mais il y a une crainte opérationnelle de sujets « fantasmés » qui ralentit l’adoption.
Quelles ont été les grandes étapes de construction de Supermood ?
On est monté très vite jusqu’à 50 collaborateurs, avec 8M€+ de levés en tout. Aujourd’hui nous sommes sur une phase de rentabilité, où l’on veut grandir avec solidité, pour nos salariés et nos clients actuels (que l’on adore !).
Après avoir été focalisé sur la remonté du feedback et la data, nous lançons un nouvel outil appelé « Connect », qui permet aux managers de discuter entre eux de leurs problématiques. C’est un moment clef dans l’histoire de Supermood : on boucle la boucle entre écoute et action. C’est une manière vraiment très innovante, et pourtant simple, de répondre à un besoin fort du terrain, tout en étant inscrit dans les roadmaps RH.
Quels sont les ingrédients nécessaires pour réussir une transformation dans la santé mentale en entreprise ?
L’impulsion de la direction, et la volonté d’y aller petit à petit. Il faut vraiment laisser tomber « la grande messe » et casser ses aprioris. Dès qu’on parle d’humain et d’écoute, chacun à une opinion très tranchée sur le sujet. Il faut donc être ouvert et à l’écoute... ce qui est l’essence même du projet !
Quels hard/soft skills avez-vous dû apprendre pour arriver là où vous êtes aujourd’hui ?
Finalement, tout se résume à peu de choses : comprendre l’humain (les clients, les salariés…) et à construire quelque chose qui fasse sens pour eux (le produit, le code …). Dans le détail, j’ai dû progresser sur la psychologie, le management, l’UX design, la vente, le marketing et tant de choses. Mais au final, je reviens toujours aux mêmes basiques : écouter, proposer, créer.
Quelles sont les erreurs que vous voyez le plus fréquemment ?
Je suis assez bluffé par le manque généralisé de compétence en « project management ». On oscille régulièrement entre le projet lancé sans aucune structure, sans objectif ni deadline, et le projet complexifié à l’extrême, avec des cahiers des charges gigantesques pour accoucher d’une souris. Savoir gérer un projet, embarquer les équipes, communiquer et donner une direction : je trouve que ce sont des qualités bien trop rares alors qu’elles sont indispensables !
Un conseil contre-intuitif à partager ?
Quand un processus marche pour 95%, tant pis si 5% en abusent. Un système parfait n’existe pas, et il ne faut pas être guidé par les quelques récalcitrants. C’est tout aussi vrai dans le monde de l’entreprise qu’en politique.. !
Comment le “faire ensemble” se traduit chez Supermood ?
Nous avons une valeur appelée « esprit d’équipe ». Tout bêtement. Le sous-titre est intéressant : « l’esprit d’équipe, c’est faire attention aux autres sans s’oublier ». L’image que j’aime bien est celle d’une équipe de foot : si je suis attaquant et que mon défenseur se fait dribblé, je vais quand même essayer de récupérer le ballon. Mais si je passe mon temps en défense, je ne marquerai pas de but, et mon équipe ne pourra que perdre. L’esprit d’équipe c’est cette balance entre le groupe et la performance individuelle.
Comment vous mettez en place votre agilité ?
On écoute nos salariés régulièrement ! Et on s’organise dans des temps courts, avec des objectifs ambitieux mais découpés en petites étapes. Ca permet de corriger si on se rend compte rapidement qu’on n’est pas partis dans la bonne direction.
Quelle place a l’expérience collaborateur au sein de Supermood ?
Le cœur ! Chaque jour, je me lève pour les collaborateurs : soit nos équipes, soit celles de nos clients. Nous avons subi une crise de croissance assez violente il y a 4 ans : depuis nous en avons tiré des leçons et portons une vigilance exemplaire au sujet. On est une entreprise très permissive sur le télétravail ou les congés (illimités) par exemples. Mais on est aussi demandant sur ce que l’on produit. Ca créé un mix de bienveillance et de discipline assez fort.
Comment Supermood révèle le potentiel de chacun ?
En 1er lieu, nous recrutons des gens qui ont le potentiel de s’épanouir chez nous. Nous avons déjà dit non à des personnes super, mais pour qui Supermood n’était pas le bon timing. A l’inverse, nous n’hésitons pas à nous séparer des éléments toxiques. Ensuite, nous donnons la direction et le cadre, mais laissons libre arbitre aux collaborateurs. On implique l’ensemble de l’entreprise sur les sujets structurants : mission de l’entreprise, discours, produit, etc. On essaie de ne pas casser les idées dès le début et on laisse une chance même aux « mauvaises idées sur le papier ». On forme aussi beaucoup, pas forcément via des formations classiques, mais au quotidien.
Comment déployez-vous votre vision au sein des équipes ?
Nous avons défini 4 valeurs, qui vivent au quotidien dans les équipes. C’est très structurant. On applique également ce que l’on prêche chez nos clients : l’écoute des salariés, et la mise en place d’actions pour améliorer l’engagement.
Racontez-nous votre plus grand moment d’audace/de bluff dans votre parcours professionnel.
Entre audace et naïveté : lancer la première version de Supermood sur l’hypothèse que « donner la parole de façon anonyme et hebdomadaire à tous les salariés, c’est une super idée ! ». En 2016, le terme « d’engagement » existait à peine. Idem pour le bien-être au travail. Alors quand vous allez voir des entreprises du CAC40 en leur disant que l’anonymat d’expression est nécessaire… on vous rigole au nez. Jusqu’à ce que quelques pionniers nous fassent confiance, et que 10 ans après, ce soit la norme !
Il y a toujours un revers de la médaille. C’est quoi la face cachée de la transformation de la santé mentale en entreprise ?
On est encore à des lieux de ce que l’on pourrait faire en termes d’écoute et de réponse. Il y a une inertie terrible dans certains groupes. Le monde RH est également truffé de charlatans qui profitent que l’humain soit « une science molle » pour raconter n’importe quoi. Entre les prophètes du désengagement ou les formations « comment l’IA va tous nous remplacer dans 2 mois », on est sur un nombre d’informations de basses qualités assez effarant. Et cela rejailli sur le collaborateur sur le terrain au final, qui n’est pas bien accompagné dans les transformations.
Comment savoir si on doit écouter ses doutes et ses craintes ?
Ma phrase préférée en recrutement est « quand il y a un doute, il n’y a pas de doute ». C’est assez connu, mais tellement vrai. On doit prendre ses doutes et ses craintes comme elles sont : des informations. Et comme avec chaque information, il faut la prendre en compte sans pour autant se laisser enfermer par elle. J’avais plus jeune un tempérament très tourné vers le rationnel et la confiance en mes jugements. Aujourd’hui je suis plus tempéré : j’écoute mon instinct, tout en comprenant que chaque choix a sa part d’irrationnel.
Un tabou dans votre secteur dont vous aimeriez parler ?
Chaque année, nous prévenons plus de 10 suicides en entreprise grâce à Supermood et nos algorithmes de détection de commentaires sensibles. Nous sommes profondément heureux de notre impact et tout ce que l’on a accompli jusque-là prend sens simplement à la lueur de cette statistique. Mais il est bien malheureux de voir que l’on soit le 1er appel à l’aide de certains collaborateurs, qui n’ont personne vers qui se tourner pour dire simplement « je vais mal, j’ai besoin d’aide ».
Votre plus grand échec ?
Sur nos 9 ans d’existence, nous avons eu 2-3 années très compliquées en termes de culture d’entreprise. Je n’ai pas de regret, car nous avons toujours fait de notre mieux, avec la meilleure volonté du monde. Mais avec le recul on se dit parfois qu’en ayant fait mieux, nous aurions pu éviter beaucoup de frustrations. Donc paradoxalement, mon plus grand échec avec Supermood a été parfois l’humain. Mais ma plus grande réussite, et de loin, est aussi l’humain !